Cameroun-SDF, 35 ans de combat : Joshua Osih, l’espérance en héritage.

Trente-cinq ans après sa création dans la douleur et la défiance, le Social Democratic Front (SDF) s’offre une halte mémorielle, non pas pour se reposer, mais pour se redéfinir. Réuni le 23 mai 2025 à Yaoundé autour de son président Joshua Osih, le parti d’opposition historique du Cameroun s’interroge sur son avenir, entre fidélité aux idéaux fondateurs et exigence de renouveau.

Le 26 mai 1990, un souffle de défiance balaie Bamenda. Ni John Fru Ndi et ses compagnons bravent l’interdiction des autorités en organisant un meeting à Ntarikon. Ce jour-là, malgré les risques de répression, la flamme du multipartisme s’allume. Plusieurs militants sont arrêtés, mais l’essentiel est accompli : le SDF est né. Dans un Cameroun verrouillé par un parti unique triomphant, cette initiative marque une rupture et un espoir nouveau pour les citoyens en quête de démocratie, de liberté et de justice.

Très vite, le SDF se hisse en première ligne de l’opposition politique. Aux élections présidentielles de 1992, Fru Ndi bouscule les certitudes du pouvoir en place. Arrivé en tête dans plusieurs régions, il est donné vainqueur par une partie de l’opinion, bien que le scrutin soit officiellement attribué au président sortant, dans un climat de contestation et de soupçons de fraude massive. Le SDF devient alors le porte-drapeau de l’alternance démocratique. À l’Assemblée nationale, dans les conseils municipaux et régionaux, ses députés et élus locaux s’activent sans relâche, entre propositions concrètes et dénonciations fermes des dérives du régime.

Le combat du SDF ne se limite pas à l’arène parlementaire. Il s’est aussi illustré dans sa lutte acharnée pour l’assainissement du processus électoral. Réforme du code électoral, indépendance de l’administration électorale, biométrie, transparence du fichier électoral… Le parti multiplie les plaidoyers, parfois dans l’indifférence ou la répression. L’avènement d’Elecam, malgré ses limites et son manque d’impartialité selon plusieurs critiques, doit beaucoup à cette pression constante. Le SDF a également œuvré sur le terrain, mobilisant les jeunes et les citoyens pour s’inscrire sur les listes électorales, pariant sur la conscience civique plutôt que sur la résignation.

En juin 2023, le décès de Ni John Fru Ndi sonne comme un coup de tonnerre. Le “Chairman”, figure emblématique de la lutte démocratique, tire sa révérence après des décennies de militantisme inlassable. Il laisse derrière lui un parti endeuillé mais pas orphelin. En novembre, Joshua Osih, député actif et homme de terrain, est élu président du parti. Lors d’un déjeuner de presse tenu à Yaoundé le 23 mai dernier, Osih n’a pas caché sa volonté de conjuguer fidélité et modernité : « Nous ne commémorons pas une date, nous renouvelons un pacte », a-t-il déclaré avec solennité.

À l’heure où le climat politique camerounais semble engourdi, le SDF veut revigorer ses liens avec les populations. Joshua Osih parle d’« audace de l’espérance » et de « discipline du service à l’adhésion populaire ». Une manière de dire que le parti entend reconquérir les cœurs, notamment dans les zones rurales, chez les jeunes et les femmes, tout en restant fidèle à ses combats historiques.

Trente-cinq ans après ses premiers pas sous les matraques, le SDF poursuit sa route. Son histoire, faite de luttes, d’espoirs déçus mais aussi de conquêtes réelles, reste indissociable de celle du Cameroun contemporain. Le parti n’a pas seulement contesté. Il a proposé. Il a semé. Il a résisté. Et aujourd’hui, il se projette. Pour Joshua Osih, la transmission ne se mesure pas seulement en discours mais en engagement. L’héritage du Chairman est vivant. Il s’appelle vigilance, compassion… et détermination.

UAMG-Biga Yomkil